Recherches

Sur

Saint-Florent le jeune (Loiret)

et

sur les moines Angevins

de Saint-Gondon

et

ses fondateurs.

Gien Imprimerie Paul Pigelet 1898

 

(La Supplissonnière, janvier 1898)

Il nous eut été difficile, sinon impossible, il y 6 mois de raconter quoi que ce fut sur les origines de St-Florent, sur ses fondateurs et sur le personnage dont cette commune porte le nom. Cette opinion est même encore assez générale qu'il n'y a rien à écrire sur le petit coin de terre qui s'appelle Saint-Florent le jeune. L'ouvrage du docteur Boullet, paru il y a une trentaine d'années, nous disait : " Cette paroisse est toute récente, elle s'appelait le quartier de Saint-Florent à une époque qui n'est pas reculée. Il y avait des droits seigneuriaux attachés au castel de Bauleu.

Une autre brochure, Recherches Historiques sur l'arrondissement de Gien ajoute : " Il est rare de rencontrer dans la Sologne des paysages aussi rares variés et des sites aussi pittoresques qu'à St-Florent. Le pays possède trois vallées et du lieu ou s'élève la croix des Picots, on découvre au loin les belles campagnes des bords de la Loire ". Le même ouvrage dit encore : que St-Florent ne possédait dans l'origine qu'une petite chapelle dépendant de la paroisse principale et de la Châtellenie de Saint-Gondon ". C'est tout ou à peu prés ce que nous savions ; et très probablement, ce qui avait été dit et imprimé. Quand parut un opuscule intitulé : Cartulaire du Prieuré bénédictin de Saint-Gondon sur Loire publié en 1879 à quelques exemplaires seulement, à Fontenay, (Vendée), par M. Marchegay, ancien archiviste de Maine et Loire, opuscule que nos recherches sur l'origine de la tions de Saint-Gondon feraient par hasard, tomber entre nos mains.

Ce petit recueil contait une trentaine de chartes absolument authentiques édictées par des rois de France, par des seigneurs de Sully, par des papes ou par les comtes ou les abbés de Saint-Gondon, et intéressant notre histoire locale de la fin du IX siècle de la fin du XII, c'est-à-dire pendant une période de 300 ans. Il y eu là, pour nous, comme une petite révélation historique. Mi sur la voie par le Cartulaire, il devenait facile de poursuivre nos recherches, et de les étendre soit en deçà soit au-delà des siècles dont M. Marchegay nous entretenait. Les originaux des diplômes, des chartes, étaient dans les archives de Maine et Loire ; c'est à la porte des archives de ce département que nous devions frapper pour en savoir un peu plus long. Et nous narrons dans cette étude, quelque chose d'inédit - du moins pour nous, habitants de l'arrondissement de Gien, tout le mérite en devra revenir à notre compatriote M. Marchegay, et ce sera grâce à la simple idée, que la lecture de la publication devait tout naturellement nous suggérer de fouiller un peu dans les bibliothèques d'Angers.

On nous pardonnera s'il n'est pas, dans cette étude, uniquement question de la commune de Saint-Florent. Nous ne prétendons pas faire une monographie et puisque, comme le dit un des auteurs ci-dessus mentionnés, les regards se portent assez loin du haut des collines de St-Florent, nous en profiterons, pour - au figuré -faire des incursions ou des excursions historiques à Saint-Gondon, et aux autres Saint-Florent auxquels, on va le voir, notre petit, mais charmant bourg, se rattache par des liens fort nombreux.

C'est au commencement du XII siècle que le nom de St Florent le Jeune (Loiret) a paru, pour la première fois dans une pièce authentique : " Le 7 X 1111, nous dit le Cartulaire, Jean, évêque d'Orléans se trouvant à Jargeau, fit don à Dieu, à Saint-Florent et aux moines de Saumur, pour qu'ils les possédassent à perpétuité, des églises de Saint-Florent et de Lion situées près de Saint-Gondon, qui étaient depuis longtemps aux mains des laïques en se réservant la prééminence de la cathédrale, et en investit Gallon, moine de Saint-Florent".

Il existait donc, vers l'an 1100, un centre de population, si petit fut-il, et une église ou se trouve maintenant le bourg de Saint-Florent le Jeune, aux maisons neuves, aux rues proprettes et dans un avenir prochain à l'élégante église. Et ce hameau, ce village, nous dit le Cartulaire existait " depuis longtemps ". Mais d'abord, une question se pose d'elle-même : Pourquoi l'évêque d'Orléans abandonnait-il ainsi une partie de son domaine à un monastère étranger à son diocèse ? Pourquoi lier, à perpétuité, St-Florent et Lion-en Sullias, aux moines de Saumur ! Le Cartulaire qui, nous le répétons, n'est qu'un recueil de chartes spéciales à St-Gondon, n'est pas très explicite à cet égard. C'est d'une façon incidente que le nom de notre St-Florent est mentionné là. Et c'est ici qu'il nous faut consulter les bibliothèques Angevines.

Nous le ferons, sans remonter au déluge, en puisant à pleines mains, dans les recherches historiques sur l'Anjou de Claude Robin, dans les Epoques Saumuroises de Coulouils, dans les Bollandistes, dans les ouvrages d'Amédée de Serres, du Père de la Vacquerie, et après dans la vie de St-Florent par Dom Huynes. Nous sommes à la fin du III siècle, époque à laquelle la Gaule entière obéissait à 1200 soldats romains. Le farouche empereur Dioclétien vient de monter sur le trône des Césars et avec son avènement commence un redoublement des persécutions contre les chrétiens ; Persécutions dont un jeune Gaulois de Narbonne, Saint Sébastien, qui servait dans les armées romaines, fut l'une des plus illustres victimes.

Un autre officier romain, c'est à dire un des compagnons d'armes de St Sébastien, le jeune Tribun Florent, campé alors en Norique sur les bords du Danube, devait à son tour subir le martyre. Déjà il avait été attaché à un arbre, pour être, le lendemain, précipité dans le fleuve, une pierre au cou, quand, dit la légende, un ange lui apparut, déliant ses liens, et lui ordonna d'aller dans les Gaules, prêcher la religion du Christ. Florent se met aussitôt en chemin, traverse de nombreuses provinces, et toujours guidé par l'ange, descend le cours de la Loire. Après de longues journées de marche, il arrive au pays des Andes, et s'arrête enfin au pied d'une colline escarpée, appelée alors le Mont-Glonne, voisine de la rive gauche du fleuve. Une grotte naturelle est ouverte devant lui. Il y entre dans le but d'y établir définitivement son domicile.

Or, cette grotte était pleine de serpents qui le respectèrent. Ce premier miracle, nous racontent les chroniques Angevines, dont un certain nombre de pêcheurs, établis dans ces lieux, avaient été témoins, fut suivi de bien d'autres. Aussi peu à peu, le solitaire du Mont-Glonne gagna-t-il au christianisme les cœurs de tous ceux qui l'approchaient. Opiniâtrement d'abord attachés à leurs croyances primitives, les habitants de la contrée, ceux des campagnes surtout, avaient gardé le culte des druides, et repoussé le polythéisme romain. Mais l'unité de dieu, qui faisait le fond de leur religion, devait les rendre moins hostiles au christianisme, qui d'ailleurs, nous dissent nos auteurs, se montre ici fort accommodant, et sut ménager des coutumes si profondément enracinées dans les mœurs du pays qu'elles se sont conservées presque jusqu'à nos jours, telles que la procession à certains chênes, les cérémonies du Gui l'an neuf, etc.…

Florent mourut à l'âge respectable de 123 ans, entouré de quelques-uns de ceux qu'il avait convertis, et qui s'étaient bâti des cabanes auprès de son ermitage, après avoir été élevé à la dignité sacerdotale par saint Martin évêque de Tours. Telle fut l'origine du premier monastère de Saint-Florent, et de la petite ville de Mont-Glonne, qu'un ou deux siècles plus tard changea son nom pour celui de St-Florent-le-Vieil, qu'elle porte encore aujourd'hui. Cependant le monastère avait grandi. Favorisés par Clovis, jouissant de nombreuses faveurs royales, aidés surtout par Charlemagne qui fit construire en entier le monastère et l'église, les moines de Saint-Florent-le-Vieil ne desservaient pas seulement leur ville déjà pourtant assez importante. Ils avaient aussi élevé à quelques lieux de leur abbaye plusieurs sanctuaires, comme ceux de la Chapelle-Saint-Florent, la Boissière-Saint-Florent, qu'ils avaient mis sous le vocable de leur Saint fondateur.

De grandes cérémonies avaient lieu de temps à autres à Saint-Florent-le-Vieil, et de longues files de pèlerins se développaient à la fête annuelle surtout, sur les pentes du pittoresque coteau qui constitue une des plus belles rives de la Loire, dans ce département où toutes sont si belles, et au sommet duquel se dressait l'église et le monastère.

Ces ( ? ? ?) ne devaient avoir qu'un temps. En 860 apparurent les Normands. Tout cédait, on le sait sous les coups de ces célèbres écumeurs de rivières. Comme le reste, la riche abbaye fut pillée et détruite. Les religieux, emportant les reliques de leur Saint patron, se réfugièrent à la villa Johannis, près d'Angers. Mais cette ville elle même tombait quelques temps après entre les mains d'Hostery. (??? ) parut Charles le Chauve qui chassa les envahisseurs de la contrée et donna aux moines de St Florent sur les instances de leur supérieur Didon, le monastère de (,,,, ) situé en Berry, près de la Loire ; monastère (,,,de Charles), qui renferme le corps de Saint Gundolf ( ? ? ?) Saint-Gondon, puisque ce nom à prévalu.

Ce monastère qu'on croit avoir été fondé par les moines de Saint-Benoît, et qui, en tout cas, fut plus tard, sous la dépendance des bénédictins, avait été pillé ou du moins menacé par les Normands en 865. Les moines de Saint-Florent-le-Vieil vinrent s'établir à Nobiliac les uns disent en 867, avec l'abbé Hecfrid, d'autres seulement en 881. Toujours est-il, qu'ils s'y trouvaient quand le roi Carloman vint dans notre contrée pour s'opposer à la marche de plus en plus envahissante des pillards du Nord. Le diplôme par lequel le roi Carolingien confirmait aux moines la donation de Charles le Chauve, porte, en effet, cette mention ; Trouvé près du Bourg en Loing, le 5 juin 881.

Cette charte accordait, en même temps, aux moines de St-Gondon - qui avait le bonheur d'avoir une Loire navigable à cette époque - " le droit de posséder quatre navires naviguant par tout le royaume en pleine liberté et franchise. " L'abbé Pouradier, ancien curé de St-Gondon, dont les notes manuscrites sur l'histoire générale de cette commune ont une réelle valeur, pense que Carlouran occupait alors la ferme de Courcelles. C'est à cette époque, c'est à dire presque aussitôt leur arrivé à Nobiliac, que les religieux durent, pensons-nous fonder dans la vallée ou est aujourd'hui Saint-Florent-le-Jeune, une chapelle dans laquelle un des leurs venait de temps à autre, exercer son ministère, chapelle qu'ils mirent, comme ils l'avaient fait en Anjou, autours du Mont-Glonne, sous le vocable de leur fondateur.

Il ne reste plus trace de ce petit sanctuaire. Peut-être, lors de la démolition prochaine de l'église actuelle, en trouvera-t-on les fondations ? Nous assignons cette date de l'an 900 à l'Edification de la première église de Saint-Florent, en nous appuyant sur ces faits : 1° Que les religieux, dans la crainte de revoir encore les Normands, se sont enfuis de Saint-Gondon dès les premières années du dixième siècle ; et 2° qu'à leur retour de Nobiliac - qui avait pris pendant leur absence, le nom actuel - quand l'évêque d'Orléans leur fit don à perpétuité, en l'an 1111, comme on l'a vu plus haut, des deux églises de Lion et de Saint-Florent, il y avait longtemps, dit La Charte de l'Evêque Jean, qu'elles " étaient aux mains des laïques ."

En 901, nos religieux n'étaient pas retournés, comme on pouvait le croire, au berceau de leur ordre. Ils prirent d'abord la direction de Tournus, monastère situé sur la Saône entre Chalons et Macon, qui avait été donné par Charles le Chauve aux moines de Noirmoutier, dont l'abbaye avait aussi été incendiée. Emporter de ce monastère, nous disent les chroniques, les reliques de Saint-Florent, ne fut pas chose facile, quand les moines voulurent retourner en Anjou. Les miracles opérés par St Florent avaient été pour l'abbaye de Tournus la cause d'une grande vogue et les religieux de Noirmoutier, qui avaient donnés asile aux reliques ne voulaient pas s'en dessaisir. Aussi le moine Absalon dut - il employer la ruse. Reliques et religieux reprirent donc le chemin de l'Anjou, mais au lieu de se rendre à Saint-Florent-le-Vieil on s'arrêta à Saumur.

Les réclamations, les protestations des habitants de Saint-Florent-le-Vieil restèrent inutiles, et le Mont-Glonne demeura à peu près désert. Le nouveau monastère fut d'abord connu sous le nom de Saint Florent du Château, car il n'était séparé de la forteresse que par un simple fossé. L'église en fut consacrée en 950, et tout allait pour le mieux quand en 1025, un violent incendie se déclara au château de Saumur, dans une guerre que le comte d'Anjou avait avec un de ses voisins, incendie qui se communiqua au monastère et le détruisit complètement. A la suite de cet incendie, les religieux dit M. Marchegay, s'installèrent, d'une façon somptueuse à Saint Hilaire des Grottes, commune près de Saumur, qui porta quelques temps le nom de Saint-Florent-le-Jeune, et que l'on désigne aujourd'hui sous le nom de Saint-Hilaire Saint-Florent.

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Cependant les moines de Saint-Florent, tout en ayant abandonné le prieuré de Saint-Gondon pendant 200 ans, le considéraient encore comme leur propriété. Peut être, du reste, avait-ils reçu, parfois quelques redevances plus ou moins régulièrement payées par leurs successeurs. Mais il s'était passé, là aussi, durant cette longue période, bien des d'évènements. Résumons-les : En 956, Louis IV d'Outre mer qui portait le titre d'abbé de St-Gondon, et de qui ce monastère dépendait, avait cédé ces titres à Geoffroy, vicomte de Bourges, dont une des héritières épousa Gillon, sire de Sully, qui réunit, en 1092, le prieuré de Saint-Gondon à l'abbaye de Vierzon.

Cette réunion fut le signal des nombreuses protestations des moines de Saint-Florent qui revendiquèrent leurs droits sur l'abbaye de St-Gondon, en s'appuyant sur les chartes de Charles le Chauve et de Carloman. On porta l'affaire devant l'archevêque de Bourges. Sur son conseil les Saint Florentais consentirent à abandonner tous leurs droits sur Saint-Gondon, moyennant une rente annuelle de deux onces d'or. Mais, dès la première annuité cette redevance n'ayant pas été payé, la querelle se ranima. Gillon, le sire de Sully, donna raison à nos moines et abandonna lui-même sur le prieuré.

Au nombre des témoins qui signèrent cette charte, on lit le nom de Geoffroy, comte de Gien, et de Margot de la même ville. (Goffredus, cones de Geone, Margotus de Geone). Les abbés de Vierzon réclamant toujours, l'affaire fut portée au Concile de Troyes, qui rendit un jugement favorable aux moines de Saumur, jugement que confirma une bulle du pape Pascal II en 1104. A la suite d'une nouvelle et dernière réclamation des moines de Vierzon, une bulle du Pape Adrien IV adjugea définitivement l'église de Saint-Gondon au monastère de Saumur. Les chartes suivantes mentionnent des donations ou diverses acquisitions. Telle charte, par exemple, est relative à la vente pour un cordonnier de Gien, nommé Baronet, d'un demi arpent de vigne, situé sur la côte, près de la route qui va de Gien à Briare (,,,,), telle autre nous dit que le donateur est retenu à Gien par suite de la guerre engagé entre le comte de Gien et celui de Sancerre, (seignum Caesaris pro guerra Ginni ) Celle-ci est une charte de l'archevêque de Bourges qui abandonne en faveur des moines l'église de Coullons (Colom) ; Celle-la enfin n'est autre que la donation dont nous avons parlé au début de cette notice, des deux églises de Lion (Léonis) et de Saint-florent.

La dernière de ces chartes qui porte la date de 1172, nous parle d'un portail à faire condamner dans le mur de la première enceinte de Saint-Gondon, c'est-à-dire dans le mur qui avait remplacé, à l'endroit de l'escarpe, la palissade mérovingienne. Gillon, sire de Sully, était alors en guerre contre son frère.

Tous ces documents, on le voit par ces quelques citations sont maillés de renseignements sur bien des petits points intéressants de notre histoire locale. Malheureusement, l'archiviste de Maine-et-Loire n'a plus rien découvert ayant directement trait à Saint-Gondon pour les siècles suivants. On sait néanmoins, que le prieuré est toujours resté uni au monastère de Saint Hilaire des Grottes, et qui c'est là que les quelques religieux de Saint-Gondon se réunirent quand, en 1687, le prieuré régulier fut transformé, par l'archevêque de Bourges en prieuré au en commende. Le dernier prieur commanditaire fut Mgr Leroux de Bournesel qui mourut à Viterbe en 1837.

Saint-Florent-le-Jeune, que nous ne devons pas oublier dans toute cette nomenclature, s'était, pendant ces longs siècles, développé, mais d'une façon assez lente. Pourtant, le premier petit sanctuaire, devenu insuffisant, avait été remplacé par l'église actuelle, qui parait dater de la fin du XV siècle. De proportions plus grandes que la première, elle était néanmoins trop étroite pour contenir les nombreux pèlerins qui accouraient à la fête annuelle du Saint, le 22 septembre, afin d'y honorer les reliques, et celles de Saint Sébastien, dont les deux châsses ornent le maître autel.

Les moines de Saint-Gondon, en offrant également aux hommages des fidèles les restes précieux du martyr et ceux de leur fondateur, se rappelaient certainement qu'ils avaient été compagnons d'armes et que le martyre de l'un avait été la cause première de l'apostolat de l'autre. Pendant plusieurs centaines d'année donc, l'église de Saint-Florent-le-Jeune fut desservie par le prieuré, et c'est ce qui la faisait appeler le Quartier de Saint-Florent, comme si ce village eut été un faubourg de Saint-Gondon.

La fabrique de l'Eglise existait dès cette époque. Nous avons, en effet, en mains, de vieux titres mentionnant une rente annuelle et perpétuelle, créée, suivant bail à rente de la Supplissonnière passé devant M. Robert, notaire à Saint-Gondon, le 6 janvier 1600, rente qui n'a été annuité qu'en 1873. De pieux curés succédèrent aux religieuses bénédictines et héritèrent de leur tradition et de leur dévouement. Nous ne mentionnerons, parmi eux que M. Duboc, qui ne quitta son presbytère qu'au plus fort de la terreur, et continua à exercé son ministère, caché dans la ferme de Laizeau. Ce nom de ferme nous fait penser à quelques autres installations agricoles plus ou moins anciennes, dont la dénomination évoque aussi des souvenirs.

Pierrefitte nous rappelle le culte des pierres ; Les Guilleux nous porterait à qui le Gui fut, là aussi, en honneur à une époque lointaine, et que par suite, tout le territoire de la commune actuelle ( l'était par en bruyère) il y a quelques mille ans, les Baillis nous font penser à la Justice, aux finances et aux armées seigneuriales ; La Supplissionnière, que nous voyons écrit Sablissonnière sur de très anciens titres, semblerait tirer son nom de Sabulonia, terre sablonneuse, mot dans lequel certains étymologistes croient voir la racine de Sologne ; Courtignon enfin ne dérive -t-il pas du mot de la basse latinité cortés ou curtés, qui est, à n'en pas douter, la racine des nombreuses fermes, des nombreux manoirs ruraux qui portent le nom de cour, Vieux Court, Courcelles, la Courtandière, etc. Que nous trouvons à Pierrefitte-ès-Bois, à Poilly, à Gien, et qui datent certainement de l'époque carolingienne.

Nous avons tout dit sur St-Florent-le-Jeune et sur les religieux engagés à Saint-Gondon pour desservir le prieuré et les églises voisines. Il nous reste, pour compléter cette étude qui comporte aussi, rappelons-le, l'histoire de ses fondateurs, à résumer les faits principaux qui se sont passés au monastère de Saint-Hilaire Saint-Florent, prés Saumur. Jouissant des faveurs des comtes d'Anjou, des Foulques et des Geoffroy, les moines, nous l'avons dit, avaient élevé là une somptueuse abbaye qui devint sous peu un foyer de profond savoir, une école célèbre dans tout l'occident, où les plus belles intelligences venaient se perfectionner dans l'étude des lettres et de la philosophie. De même au point de vue matériel, toute la contrée changea de face sous l'énergique impulsion des moines, qui défrichèrent les coteaux si admirablement exposés pour la culture de la vigne, assainirent les marécages et firent de vallées incultes des campagnes fertiles.

Mais un pouvoir rival, celui des Bourgeois de Saumur, avait grandi en même temps et le choc des deux puissances devait avoir lieu un jour ou l'autre, une querelle le fit naître. Les moines avaient obtenu, depuis longtemps un droit de péage sur la Loire, en face de Saumur comme ils en possédaient un aussi à St-Gondon. A eux seuls, prétendaient-ils, appartenait le droit de passer, en barque les voyageurs d'une rive à l'autre. Les Bourgeois, voulant s'affranchir de cette servitude, qui gênait beaucoup leur commerce, firent construire une passerelle en bois. C'était, répliquèrent les religieux, un attentat à leurs privilèges.

Le comte d'Anjou, Henri II, qui était devenu roi d'Angleterre, vit l'affaire portée à la barre. La perplexité fut grande, nous disent les chroniques de l'époque. Aussi, trancha-t-il la question d'une façon bizarre : Les moines deviendraient les propriétaires du pont, mais ils devraient rembourser aux Bourgeois les frais de construction de la passerelle et se charger de son entretien. Une autre clause enjoignait que, chaque année, une arche en pierre serait substituée à une arche en bois, jusqu'à totale réfection du pont d'une rive à l'autre. Les bourgeois de Saumur furent, en outre, affranchis du droit de passage.

Puisque nous venons de parler de l'Angleterre, rappelons que Jeanne d'Arc, la libératrice de la France alla à son retour de Chinon prier Saint-Florent de bénir sa mission. Elle séjourna, plusieurs jours à l'abbaye, et c'est là qu'elle décida la Duchesse d'Alençon à payer la rançon de son mari prisonnier des Anglais sur parole. Le Duc, devenu libre, prit part à toutes les batailles qui suivirent la levée du siège d'Orléans, en qualité de généralissime des armées du roi. Un évènement plus singulier ou plutôt une décision plus bizarre que celle de Henri II, dans une toute autre question avait été prise par Louis XI. Profitant de son passage à Saumur, les moines de Saint-Hilaire se plaignirent à lui que les habitants de Roye, une petite ville de Picardie, se disaient les uniques dépositaires des reliques de Saint-Florent, qui auraient été enlevées de Saumur, sinon totalement, du moins en partie, en 1035, par le comte de Vermandois. Bourgeois et moines, qui marchaient d'accord dans cette circonstance, prétendaient au contraire, détenir, seuls, les vrais restes du Saint.

Louis XI penchait en faveur des Picards, à qui il allait donner gain de cause, quand il s'avisa de l'étrange idée de s'en rapporter au Saint lui-même et voici comment : Il fit, nous racontent des historiens dignes de foi, mettre le feu au quatre coins de la ville de Roye, en priant et faisant prier le Saint d'éteindre les incendies s'il lui était agréable de rester dans cette ville. Un grand nombre de maisons brûlèrent.

Il allait de soi, après cette épreuve du feu, que les reliques de Roye furent rapportées à Saumur, ce que l'on fit. Mais les Saumurais persistaient à croire à l'authenticité des restes contenus dans la châsse de leur monastère. Il fallut, pour avoir la paix, imaginer de mêler les ossements nouveaux avec les anciens. Ce ne fut pas tout. Quelques temps après, Roye sortit de ses cendres et le conflit recommença. Le Parlement de Paris, saisi à son tour de l'affaire, rendit plusieurs arrêts en faveur de la ( ,,,) de Picardie. Tous vinrent se briser contre l'obstination des moines. De guerre lasse, enfin, on proposa cet accommodement : partager par moitié ce mélange des reliques qui se trouvaient à Saumur. Ainsi se termina ce long conflit. Un demi-siècle plus tard, des suites des victoires de Kléber et de Marceau sur Bonchamps, se terminèrent les guerres de la Vendée.

Aujourd'hui, la première cabane, le premier monastère bâti par le vieux solitaire ne se voient plus au sommet de la falaise de Saint-Florent-le-Vieil, mais il se dresse, sur les anciennes fondations un superbe édifice qui contient un des chefs-d'œuvre de David d'Angers : Le tombeau du chef Vendéen. Et c'est là, au-dessous de la statue du héros, qui se leva mourant sur son brancard pour demander la grâce de plusieurs milliers de bleus, qu'on lit ces courtes et historiques paroles, dont ces vainqueurs, pour qui la force prime le droit, auraient dû s'inspirer : " Grâce aux prisonniers, Bonchamps l'ordonne ".

Belle est l'histoire des villes, des religieux et du Saint personnage à qui le bourg de Saint-Florent, Loiret, doit la paternité. Notre petite commune n'aura certainement jamais le renom de ses aînées, mais elle ne connaîtra pas, non plus, les vicissitudes de ses fondateurs. Si, par elle-même elle n'a guère d'histoire, il faut l'en féliciter. Heureux, dit la langue des nations, les peuples et sans doute aussi les communes, qui n'en ont pas.

 

F. Raud

La Supplissonnière, janvier 1898.

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