Saint-Florent-le-Jeune Porte Est de la Sologne |
Une
poignée de vieux châtaigniers,
quelques
mots tordus de l'ancien parlage,
des yeux vifs et des sourires malicieux,
des paysages variés et des granges magnifiques,
des lotissements et des étangs communaux,
de la croix des Picots la découverte au loin des bords de Loire
et des chaudrons de Dampierre,
aux confins de la Sologne et du Giennois,
se dissimule Saint-Florent-le-Jeune parmi les champs et les bois.
Mais ou se trouve donc le village de Saint-Florent-le-Jeune ! Rassurez-vous, vous n'êtes pas les seuls à vous poser cette question…Hélas le découpage farfelu des circonscriptions n'aide pas, bien au contraire, à la localisation précise. Les Saint-Florentais sont, à juste titre, les premiers à se plaindre de l'ignorance géographique générale de leurs contemporains. Quand l'un d'entre eux fait publier une annonce, il sait d'avance qu'à chaque fois le premier renseignement demandé, portera sur son adresse !
Est-ce donc au diable vauvert ? Presque… puisque aucune voie de communication sérieuse et fréquentée n'y passe. Au sud de la Loire, Saint-Florent-le-Jeune est juste au milieu d'un triangle formé par Sully-sur-Loire, Gien et Cerdon-du-Loiret, à une distance d'environ une dizaine de kilomètres de ces trois villes.
Ses habitants étaient des collons faisant fructifier une terre moins ingrate qu'aux alentours. Christian Poitou dans son ouvrage " Paysans de Sologne " et se fondant sur le Mémoire du subdélégué d'Aubigny (vers 1762) déposé aux archives de Bourges, souligne que les exploitations agricoles de la région de Coullons et de Saint-Florent-le-Jeune appartenant à la Sologne giennoise, où le marnage était régulièrement pratiqué avec succès depuis 1720 environ par de riches propriétaires exploitants, jouissaient d'une prospérité inconnue du reste de la Sologne. Bien entendu cette richesse est toute relative et n'a rien de comparable à celle des fermes de Beauce ou du Pays Fort. Au royaume des aveugles… les borgnes sont rois !
![]() |
La rue du Carreau |
![]() |
L'attrait des écarts est sans conteste plus grand que celui du bourg dont les maisons anciennes restent toujours modestes à l'image de ceux qui jadis abrités. Ils étaient artisans, commerçants, petits fonctionnaires, et surtout journaliers travaillant dans les exploitations. La rue du Carreau est la plus antique du lieu. Pour chaque côte de rue il y avait un puits, un four collectif et quelques fours individuels. Pierre Locatelli se souvient encore que sa grand-mère et toute une armée de bonnes femmes venaient y cuire des pâtés aux pommes par pleines brouettes !
![]() |
Lucarne ouvragées (18e siècle)
|
La rançon du machinisme agricole provoqua ici, sans doute plus rapidement qu'ailleurs, le débauchage des journaliers. Parmi les quatorze principaux lauréats des concours agricoles organisés durant la seconde moitié du XIXe siècle par le Comité Central, Denizet cite deux fois Saint-Florent-le-Jeune en la personne de MM. Lefebvre et Boutroux.
Vers la fin du XVIIIe voit naître sur cette commune la plus belle concentration de granges à pans de bois et torchis de Sologne. Les charpentes y sont monumentales et les portails en retrait sous de magnifiques auvents, également en pans de bois ou parfois maçonnés à la mode du Val, sont de pures merveilles. Le pignon de ces ouvertures a le plus souvent une petite fenêtre. Certains voient là, dans ce petit grenier, une antique chambre servant au stockage des grains, d'autre plus simplement un simple pigeonnier. Faute de preuves tangibles, nous ne pouvons trancher dans un sens ou un autre.
Granges à pans de bois et torchis de Sologne
Quelques termes solognots
Couriller : c'est fermer la porte à clé
à défaut de verrou.
Etre défini comme un "agouant" signifie une réputation
de déplaisant, d'insupportable, voire de fâcheux !
On vous sert le café dans une tasse et pour faire fondre le sucre rien de mieux
qu'un "terbouteux" : petite cuillère naturellement…
Après le petit noir chez les Michaux à la lande par exemple, on boit un demi-verre
de goutte : " Bois un coup ça te redonnera du rjupio…
" (des forces, du nerf, et une contredanse si les gendarmes de Coullons vous
font souffler dans le ballon !)
Ici quand on cherche quelque chose en remuant une foule d'objet on "foussonne".
Oui-da : c'est affirmatif !
Ci-da : plutôt négatif !
…D'ailleurs il ne passera pas par le village de Saint-Florent bien à l'abri
de ses "bouchetures" et protégé par saint Cadet
comme est surnommé affectueusement leur saint Patron.
Agouantises : faire des bêtises.
Guernoselle : grenouille.
Cabasson : caisse en bois au bord du lavoir.
Batoué : batoir.
Cette nouvelle église en pierre, " bâtie à la romane " n'impose que par son volume. Il est des Saint-Florentais qui regrettent la destruction de la vieille église dont le caquetoir ressemblait à celui de Viglain. Hier trop petite, elle conviendrait mieux aujourd'hui que les rangs des messeux se sont éclairci… Dorénavant seuls les enterrements drainent la foule des villageois vers la maison de dieu. La tradition du culte des morts n'a pas faibli et le cimetière conserve à perpétuité les tombes. Pour cette raison il mérite une visite. Sur la croix de certains vieux tombeaux, on lit parfois des inscriptions peu communes comme celle-ci : " Ici repose le corps d'un pauvre, connu sous le nom de Champ d'Avoine, décédé à Loiseau le 6 février 1893 " ou encore, " Ci-git, Jean-Pierre Baudet, curé de cette paroisse, décédé à Saint-Florent. Il aima son peuple et son Dieu et fut un pasteur selon son cœur ".
Nouvelle et ancienne église
En 1941, une enquête administrative inventorie déjà 35 moissonneuses-lieuses, 19 moteurs à essence, 10 moteurs électriques et mentionne que le village n'a plus que 2 journaliers fort âgés comme habitants alors que l'on se souvient qu'ils étaient encore une trentaine au début du siècle. Il n'y a pas de fermes abandonnées. On emploie des engrais modernes et on pratique le drainage. Les exploitations ont une superficie assez importante et sont généralement cultivées par leur propriétaire. Il ne reste que trois métayers. L'élevage est la plus importante activité de la commune après les cultures de céréales " maigres " comme le méteil, le seigle, l'avoine et le blé. Les moutons, nombreux encore avant 1914, ont presque disparu et les bergeries sont vides. Le gibier n'y est pas trop vorace. A noter que les fermiers ont le droit de fureter le garenne. Une dizaine de gardes-chasses veillent à l'équilibre et aux loisirs cynégétiques de ces messieurs les chasseurs. Les gens sont pieux et la mentalité est bonne, souligne l'enquêteur qui ajoute : les luttes politiques n'ont jamais été très fortes. On peut dire que c'est un petit pays sans histoire. La propagande de gauche n'a pas de prise sur la population. Les fermiers sont un peu propriétaire du cheptel et du matériel agricole. D'autre part les propriétaires détruisent les lapins. Les luttes religieuses n'ont jamais été fortes. Témoin la construction de l'église actuelle en 1900, date cruciale pour l'anticléricalisme. Dans cette église, le profil de l'adjoint (le buste) de l'époque fait pendant à celui du curé.